OpenStreetMap : la base de données
Le dessous des cartes
Comment est constituée la base de données géographiques OpenStreepMap ? Sur ce sujet, la France est un cas particulier par rapport à nos voisins.
En fait, plus de trente millions de données sur notre territoire seraient des imports automatiques ou semi-automatiques du cadastre français. Les relevés effectués en se basant sur les vues satellites Bing Maps (suite à un accord entre Microsoft et OpenStreetMap) ne représenteraient "que" huit millions de données pour le monde entier.
Comment distinguer alors les informations de la carte d'OpenStreetMap qui viennent du cadastre ou des vues satellites Bing Maps, et ceux qui viennent des contributeurs qui se sont rendus sur place ? On a vu précédemment que les vues satellites pouvaient dater de plusieurs années. Quant au cadastre, son but premier est le calcul de l'impôt foncier des propriétaires de terrains, autant dire que la précision du tracé voire l'existence des chemins et des pistes cyclables y est secondaire. Les informations venant de contributeurs s'étant rendus sur place ont une valeur ajoutée certaine.
Une solution est d'utiliser l'outil d'édition JOSM, l'éditeur Java qui va télécharger les données de la base d'OpenStreetMap. Chargeons la zone de Sénart.
Comme les pistes sont absentes, regardons le chemin forestier qui communique avec la piste. On y voit que la modification la plus récente date de 2011, il s'agit d'un changement de statut rendant le chemin aux motorisés. Si on clique sur les divers éléments de la carte dans cette zone, on voit souvent que les commentaires précisent que les données sont présentes via Bing Maps ou le cadastre. Mais il est difficile d'analyser une absence de données, après tout le chemin n'a pas changé depuis des années.
Cette vue permet cependant de voir un seul tracé GPS (en trait gris) d'un cycliste ayant suivi la piste cyclable, mais n'ayant pas rentré cette donnée ensuite. Par comparaison, la voie rapide comporte de nombreux tracés GPS de contributeurs en voiture.
Chargeons maintenant la zone à la fin de la piste cyclable du Canal de l'Ourcq.
Ici, les chemins cyclables sont remplis de traces GPS, et on trouve des données modifiées beaucoup plus récemment. Le vrai/faux pont cyclable sélectionné sur l'image a ainsi été modifié en 2013.
Comme la présence ou non de tracés GPS entrés par les utilisateurs semble être un facteur pertinent pour localiser les endroits où des contributeurs se sont rendus sur place, regardons alors la présence de ces tracés à plus large échelle.
En bas de cette page d'un développeur de Mapbox, une société qui conçoit des outils utilisés par les contributeurs d'OpenStreetMap, on peut afficher les tracés GPS entrés depuis neuf ans dans la base OpenStreetMap. J'ai choisi l'Est de l'Ile-de-France, à cause du rond d'EuroDisney facile à repérer pour comparer ensuite.
Sur le site VTTTrack, on peut afficher les trajets présents sur des sites de partage comme ceux que j'utilise. Voici la vue pour la même zone.
Bref, les cyclistes se moquent des autoroutes sur-représentées dans les tracés GPS présents dans OpenStreetMap, et aiment beaucoup des endroits qui sont apparemment peu visités par les contributeurs de cette carte. Maintenant que le cadastre a été importé massivement dans OpenStreetMap et que les contributeurs peuvent utiliser les photos satellites Bing, la pertinence de la présence ou non de relevés GPS diminue avec le temps, certes. Mais le fait que les cartes soient si différentes me parait révélateur.
Pas de miracle donc, les cyclistes n'auront pas de bonne carte cyclable sur OpenStreetMap tant qu'ils ne s'en occuperont pas eux-mêmes. A mon avis, le fait qu'il existe depuis longtemps des sites d'échanges de conseils et de trajets entre cyclistes ne favorisent paradoxalement pas la présence de cyclistes parmi les contributeurs d'OpenStreetMap. On peut déjà partager des informations sans passer par le formalisme de la cartographie cycliste, qui se heurte en particulier aux problèmes des panneaux.
De plus, la faible importance relative des contributions des cyclistes fait que les recommandations de bases sur la façon de cartographier les sentiers peuvent être encore sources de polémiques, alors que la cartographie des voies pour les motorisés peut atteindre un niveau de formalisme très poussé.
Les deux chemins ci-dessus sont ainsi représentés de la même façon en pointillés bleus cyclables sur la carte cyclable d'OpenStreetMap. A gauche parce que les motorisés y sont interdits légalement, à droite parce que le contributeur a estimé qu'ils ne pouvaient y passer. Les deux chemins sont donc mis en avant pour leur cyclabilité. L'absence de légende pour la carte cyclable d'OpenStreetMap n'est pas un hasard, formaliser tout cela semble difficile.
Que conclure de tout cela ?