Où l’on voit que suivre un panneau pose un problème légal, dont la solution consiste à en ignorer un autre.
Si vous suivez ce panneau indicateur cyclable Boulevard Saint-Germain et tournez à droite au prochain croisement pour aller aux Thermes de Cluny…
…vous prendrez un PV pour circulation sur voie de bus interdite.
Explication :
Tout d’abord, voici le chemin légal pour se rendre à vélo du Boulevard Saint Germain au Musée de Cluny (flèches en bleu plein) :
Il faut en fait tourner à droite avant le panneau :
Puis tourner à gauche dans la petite Rue Pierre Sarrazin :
Au bout, il faut passer outre (!) le panneau obligeant à descendre le Boulevard Saint-Michel, et tourner à droite.
Pour enfin arriver dans la voie de bus du Boulevard Saint-Michel à un moment où elle est autorisée aux vélos, même si la voie de bus n’est pas élargie.
Ensuite, le périple continue comme indiqué sur le plan.
En revanche, si on suit le premier panneau, on s’attend à faire un des deux trajets en pointillés :
Or, ces deux pointillés rouges sont interdits aux vélos dans la direction indiquée.
La voie de bus est d’ailleurs en fait interdite aux vélos de la place Saint-Michel jusqu’à la Rue Pierre Sarrazin, bien que la largeur soit identique à celle de la partie autorisée.
Alors que s’est-il passé ? Eh bien, Street View nous apprend que c’est seulement entre 2008 et 2010 que cette section de voie de bus est devenue interdite aux vélos. En 2008, on pouvait venir du Pont Saint-Michel à vélo et faire toute la ligne droite jusqu’à Luxembourg.
Est-ce à cause de l’étroitesse de la voie de bus, par principe ? Est-ce à cause de plaintes de chauffeur de bus sur les ralentissements ? Est-ce à cause d’un accident ? Je ne sais pas.
Mais cette interdiction s’est arrêtée Rue Pierre Sarrazin. Sinon, en venant du Boulevard Saint-Germain, c’est jusqu’à la Rue Saint Jacques qu’il aurait fallu aller pour ensuite filer vers le Sud de Paris : la Rue de l’Ecole de Médecine est un sens unique très étroit avec un certain trafic, et donc sans contre-sens cyclable malgré la zone 20.
L’interdiction n’a donc pas été totale pour éviter d’obtenir un détour assez énorme, avec un bon dénivelé.
Bref, la signalisation au sol a évolué de façon pas très intuitive, mais les panneaux sont restés tels quels :
– Il ne faut pas tenir compte du panneau indicateur cyclable Boulevard Saint-Germain (qui envoie sur une voie interdite après la pose du panneau)
– Il faut ne pas respecter le panneau “obligation de tourner à gauche” Rue Pierre Sarrazin (sur lequel est dirigé maintenant le flux des cyclistes, il y manque donc clairement un panneau “sauf vélos”).
Un dernier mot : quand j’écris que vous pouvez vous prendre un PV sur la voie de bus interdite, ce n’est pas une vue de l’esprit. Comme c’est un “piège” tentant pour les cyclistes vue la configuration des lieux (une courte distance sans voitures pour aller tout droit vers le Sud), c’est un de ces lieux idéaux pour faire du chiffre…
Il s’agit bien de cyclistes verbalisés pour circulation sur la voie de bus, et non pour circulation sur le trottoir.
Galerie des photos de l’article :
15 août 2015 at 17 h 02 min
Merci pour ces pertinentes observations et réflexions.
Quelques explications et rappels historiques :
Avant 1996, aucun couloir de bus n’était autorisé aux cyclistes. Une dizaine de kilomètres situés sur les itinéraires cyclables mis en place de 1996 à 2000 leur ont été progressivement autorisés. A la suite de plusieurs initiatives des associations de cyclistes et d’une concertation avec la préfecture de police, la RATP et la ville de Paris, 69 nouveaux kilomètres nous ont été ouverts durant le deuxième semestre 2000.
Le boulevard Saint-Michel à la montée n’en faisait pas partie. Le tronçon situé entre la rue Pierre Sarrazin et la place Edmond Rostand (RER Luxembourg) a été autorisé en décembre 2003 dans le cadre de l’aménagement en « Mobilien » du bus 38 et à la suite de l’inversion de sens de la rue Pierre Sarrasin, permettant de relier l’itinéraire Nord-Sud, aménagé dès 1996 rue Hautefeuille, au Boul’Mich.
Contrairement à ce que peut laisser supposer Gougueulstritviou, il n’y a eu en 2008 aucune modification à cette situation, mais uniquement l’apposition du fameux panneau jaune barré d’une croix rouge, inventé à l’époque à la suite de l’accident mortel d’une jeune violoniste en Velib’ rue Lafayette : comme il était survenu dans une voie de bus à contresens non autorisée aux cyclistes, on s’est mis à fantasmer sur une dangerosité particulière attribuée à ce type d’infrastructure et à vouloir la sur-signaler. Une des photos ci-dessous montre d’ailleurs qu’un des dangers réels vient plutôt des 2RM qui les utilisent à contresens du contresens : il y a eu plusieurs accidents graves de ce type entre bus et 2RM.
Cette note pointe aussi une des nombreuses erreurs de conception comme de réalisation du système de jalonnement : une numérotation incompréhensible, conçue par analogie avec les lignes de métro (comme si on circulait à vélo comme en métro !), un mélange des objectifs de longue distance et de proximité, l’un et l’autre déjà remplis par les signalisations routière et piétonnière. Je me souviens avoir à l’époque proposé de plutôt ne flécher que les itinéraires spécifiques au vélo, et cité des exemples justement ici : indiquer par exemple, place Saint-Michel, au cycliste qui voit que le boulevard Saint-Michel ne lui est pas autorisé, qu’il peut le rejoindre moyennant un faible détour par la rue Hautefeuille et la rue Pierre-Sarrazin, et indiquer de même au cycliste remontant la rue Saint-Jacques qu’il peut rejoindre le Boul’Mich par la rue des Écoles ; au carrefour Mabillon, indiquer la direction du contresens de la rue Saint-André des Arts pour rejoindre la place Saint-Michel, …
Dans ma signature, lien vers une note du blog Velib concernant l’accident de 2008, avec un commentaire par moi revenant plus en détail qu’ici sur l’historique.
24 août 2015 at 14 h 42 min
Sur le sujet de la signalisation :
http://www.sortirdeparisavelo.fr/blog/2015/02/la-signalisation-cyclable-a-paris/
avec diagnostic et proposition un peu similaire !